
Bien plus que des passions !
Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
Il n’est pas rare que la 1ère question lorsque l’on rencontre une nouvelle personne soit : qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
Mon travail est-il la première chose qui me définit ? Qu’en est-il de mes passions ? De ma famille ? De ma culture ? De mes goûts ? De mes talents ?
Finalement, est ce que ça ne me définit pas tout autant sinon plus ?
Et les passions dans tout ça ?
Il y a quelques temps, j’ai entendu à une table ronde le témoignage d’Ina, une réfugiée politique russe en France depuis 2014 : « En arrivant en France et pendant longtemps, mes meilleurs amis ont été mon assistante sociale et mon professeur de Français ». Sa vie en France a changé lorsqu’elle a rencontré l’association Singa :
« On ne m’a pas dit : de quoi tu as besoin, mais qu’est-ce que tu aimes faire ? C’est la 1ère fois depuis mon arrivée en France que l’on me considérait comme une entrepreneuse ». C'est comme ça qu'Ina s’est investie corps et âme pour partager sa passion du sport autour d’elle : réfugiés et non-réfugiés !
Dès lors j’ai compris à quel point les passions peuvent être un vecteur d’insertion tout aussi important que la situation professionnelle.
Mais c’est surtout après avoir passé des moments précieux en compagnie de la chorale du carillon, chorale où les membres composés de personnes SDF et ADF (avec domicile fixe !) se retrouvent chaque semaine pour chanter, que j’ai saisi que le statut social ne fait pas tout.
Ils ont choisi de se rassembler autour de ce qu’ils adorent faire : chanter, et ça paye ! Après seulement un an d’existence, la chorale est appelé à chanter dans les festivals des solidarités, à animer des classes d’écriture avec des élèves de 3ème, et même à chanter à l’hôtel de ville de Paris ! Il n’est pas rare que des journalistes viennent aux répétitions. Mon étonnement était au max quand Gillou, un membre SDF de la chorale plutôt discret à qui je souhaitais demander un témoignage (pour éviter de toujours solliciter les même !) me répond du tac au tac : « Ecoute, tu devrais peut-être demander à d’autres, on me sollicite déjà tellement pour témoigner !» . J’en sors amusée, en réalisant seulement à quel point cette chorale est un merveilleux outil de valorisation.
L’art rassemble et gomme les différences
Je me rappelle de cette phrase de Constance, jeune accompagnée par l’association Tout Atout : "si je devais retenir une chose, c'est que les arts laissent un espace pour permettre à pleins de gens différents de se rassembler".
A l’heure où l’accent est mis sur l’emploi, l’insertion professionnelle, comme outils de valorisation sociale et de remobilisation, Tout Atout pari sur des projets artistiques. Et le pari est réussi : il permet de donner un espace d’expression et de revalorisation pour des personnes qui sont moins à l’aise dans un milieu professionnel.
Et devant l’art, comme devant une passion partagée ou un bagage culturel commun, peu importe que tu sois « éloigné de l’emploi », « SDF », « migrant », autant d’étiquettes qui ne passent qu’en second plan !
A la chorale du carillon, difficile de savoir qui est SDF de qui ne l'est pas, et c’est clairement pas ceux qui ont un toit fixe qui chantent le plus juste !
La pyramide de Maslow revisitée
Pendant longtemps, nous avons pris comme acquis la célèbre pyramide de Maslow qui définit une hiérarchie des besoins en commençant par les besoins primaires, puis en montant vers des besoins affectifs, culturels et enfin spirituels. Mais le programme de recherche mené par ATD quart monde affirme le contraire : « les besoins culturels sont aussi importants que les besoins qualifiés traditionnellement de primaires ». La pyramide est alors remplacée par un cercle, qui respecte la totalité de la personne. Hé oui, on peut être sans abris, et apprécier lire un bon roman ou aller danser !
Alors, la prochaine fois que vous parlez à une personne que vous ne connaissez pas, mettez-vous ce challenge : ne lui posez la question : « Qu'est ce que tu fais dans la vie ? » qu’après avoir parlé au moins 30 min avec elle !
Florence
Article publié le 7 juillet 2018