
CENTRO VICENTE CAÑAS
Je m'adapte si tu t'adaptes

En passant la porte du centre Vicente Cañas situé dans la zone Sud de Cochabamba en Bolivie, c’est la sœur Agustina Monserrat qui nous accueille d’un ton décidé. Membre de la compagnie de Jésus, ordre religieux catholique, celle-ci connaît ce quartier comme sa poche et surtout l’histoire de ces jeunes qu’elle accueille chaque jour depuis maintenant 20 ans avec une équipe multidisciplinaire de professionnels.
Ce centre réunit 35 écoliers du quartier âgés de 6 à 15 ans et propose également des soins et ateliers pour d’autres enfants avec des capacités différentes, qu’elles soient physiques, intellectuelles, mentales et/ou sensorielles.
Aujourd’hui en Bolivie, environ 1 personne sur 10 est en situation de handicap. Ici, on ne parle pas de handicap mais de capacités différentes me précise Yessika, une étudiante en journalisme. Appellation davantage inclusive, vous ne trouvez pas ? L’inclusion commence aussi par les mots.
Selon un rapport des Nations Unies de 2016, la Bolivie présente un fort taux d’abandon des enfants en situation de handicap. Une thérapeute du centre nous explique que beaucoup de mères cachent leur enfant en le considérant comme un fardeau. Je revois la maman d’Andréa âgée de 12 ans, atteinte de la Myopathie de Duchenne qui venait rechercher son enfant après une séance de kinésithérapie au centre. La Myopathie de Duchenne est une maladie génétique qui provoque une dégénérescence progressive de l'ensemble des muscles de l'organisme. Face à ce triste constat, le centre privilégie les échanges avec les familles et notamment les mamans afin de les accompagner. La plupart d’entre elles sont seules, c’est-à-dire séparées ou avec leur conjoint en prison. Quand ce n’est pas le cas, le défi reste d’impliquer les pères.

Marie-Luz en pleine concentration
Mais, les temps changent ! Depuis quelques temps, un papa s’investit et participe aux ateliers. Je suis surprise d’apprendre que certains enfants vivent avec une autre personne de leur famille en raison du phénomène de migration. Les professeurs de l’école remarquent que l’un des premiers freins aux progrès est le parent qui pense « mon fils ou ma fille ne peut pas ».
Pour inverser le paradigme, le centre organise des ateliers créatifs afin de montrer aux parents les talents cachés de leurs enfants. Des ateliers où l’on invite les parents « à se mettre à la place de leurs enfants » et à être conscient de leur potentiel.
« Le succès des progrès des enfants, c’est lié à la famille, non pas à l’école, ni à l’Etat » nous confie la sœur Montserrat. Cette remarque prend tout son sens, quand nous apprenons que le Président actuel, Evo Moralez, a emprisonné le maire de Cochabomba (du parti d’opposition) accusé de détournement de fonds pour avoir offert à tous les enfants des écoles publiques de la ville des cartables remplis de fournitures… Le socle familial est donc une nécessité quand l’Etat se soucie peu d’offrir un accueil inconditionnel aux jeunes.

Les fameux cartables
Je m’étonne que la maman porte Andréa sur le dos enveloppé dans un «aguayo », couverture typique de la Bolivie. « L’usage du fauteuil roulant est interdit dans le centre » nous explique la kinésithérapeute. Cela permet d’éviter de considérer le fauteuil roulant comme une fatalité !
Dans ce même élan de faire évoluer les mentalités, le centre priorise la prévention au sein des écoles environnantes avec le programme « Si Inclusion » depuis 2 ans auprès des professeurs et des élèves.
Grossesses précoces à l’âge de 14 ans, utilisation d’eau contaminée à cause de la décharge située près du centre,…Les facteurs susceptibles d’accentuer les risques de problèmes de développement chez l’enfant lors de la grossesse sont nombreux.
L’ensemble des enfants sont également sensibilisés aux dangers des substances illicites. Dans ce centre, on ne se contente pas de panser les blessures ; on recherche les racines des maux !

Luz-Marie
Wendy, professeure au sein de l’école me souligne que la majorité des écoles en Bolivie ne sont malheureusement pas adaptées aux enfants avec des capacités différentes et qu’il existe peu d’écoles spécialisées. Autrement dit, les professeurs ne sont pas formés à adapter une approche spécifique pour chaque enfant et manquent également de moyens même si une loi stipule d’intégrer les personnes en situation d’handicap. A noter que les classes sont souvent surchargées avec plus de 30 enfants. A cela s’ajoute, les difficultés financières des familles pour pallier les frais médicaux des enfants.
Afin d’accompagner au mieux ces enfants, le centre collabore avec d’autres associations en organisant par exemple des campagnes comme celle du 2 avril 2018 « Tocamos la campana », afin de faire évoluer les politiques publiques. Ce travail en réseau a permis également à des jeunes de construire leur projet de vie. Jesus, âgé de 18 ans poursuit aujourd’hui des études de coiffure même s’il s’exprime différemment que par les mots. Grâce à une formation spécifique, il maîtrise aussi bien le langage des signes que ces ciseaux ! Contraint par des crises d’épilepsie, Jésus a appris à prendre soin de lui-même en suivant un traitement minutieux.

L'heure est au clavier!
Après un petit tour du centre, nous voilà entourés d’une ribambelle d’enfants. C’est avec plaisir que je découvre un nouveau jeu, typique de Bolivie, la Pelota Voladora. En effet, le centre ne se contente pas d’accompagner uniquement des enfants en situation de handicap et leur famille mais également des enfants du quartier pour le soutien scolaire et pour l’éveil à la citoyenneté. J'en profite pour discuter avec eux, curieux de notre présence. Alondra, 7 ans et Ariana, 6 ans, nous racontent leur passion pour le "salay", une danse traditionnelle.

Alondra et Ariana
En Bolivie, les enfants vont à l’école la moitié de la journée. Sœur Monserrat nous explique que le risque d’être embarqué dans des histoires de trafic de drogue est élevé dans cette zone sud de la ville. En présence de drogue, les jeunes sont généralement expulsés des écoles. C’est alors un cercle vicieux qui se perpétue. C’est pourquoi, de nombreux ateliers de prévention sont organisés auprès des enfants. La prévention ; l’une des clés de solutions !
Ce centre a fait le choix de mettre en place une pédagogie innovante. Ici, nous explique la Sœur Monsserat en ouvrant les bras : « On encourage l’enfant à ne pas regarder le monde à travers la serrure de la porte mais à élargir sa vision ! ». Passionnée, nous découvrons la pédagogie « pedagogia para adaptaciones curriculares ». Celle-ci favorise l’interdisciplinarité des enseignements et incite l’enfant à trouver des solutions par lui-même.
Le succès de cette manière de faire grandir l’enfant dépend surtout de la personne qui enseigne nous souligne-t-elle. Malheureusement, ce centre rencontre actuellement des difficultés financières et espère des donations privées pour poursuivre ses projets.
Enfin, c’est la rencontre avec Mirtha, âgée de 37 ans, attachante, créative et atteinte de trisomie 21 qui est un magnifique exemple de réussite ! Déçus de l’école classique et du regard des parents et des élèves, ses parents ont pris la décision de « faire l’école à la maison ». Mirtha a donc grandi avec sa petite sœur Marcela et a beaucoup appris par imitation. Garder ses neveux et nièces n’a maintenant plus de secret pour elle ! Aujourd’hui, Mirtha se prépare à rejoindre sa sœur en Espagne pour une nouvelle aventure. Marcela m’explique que l’Espagne possède en effet de meilleures structures pour l’insertion professionnelle des personnes atteintes de trisomie 21.

Une belle complicité entre Mirtha et Marcela
L’adaptation à chaque enfant, beaucoup de patience et d’espérance semblent être les maîtres-mots d’une inclusion réussie et permettre à chacun de révéler pleinement son potentiel !
Article publié le 20 mai 2018
QUI
QUOI
Permettre le développement intégral du quartier grâce au soutien scolaire et à l'accompagnement des enfants en situation de handicap
OÙ
Av. Bélgica 116
Cochabomba
Bolivia
CRITÈRES D'ENTRÉE
Ouvert à tous les enfants du quartier
POINTS FORTS
Mise en place d'une pédagogie innovante
Travail de médiation avec les familles
COMMENT AIDER
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