
ETIS
Quand les jeunes deviennent
« agents du changement social »

En passant la porte du centre ETIS Tigre (Equipo de Trabajo e Investigación Social) situé dans le quartier Almirante Brown de Buenos Aires, en Argentine, nous partons à la rencontre d’enfants et d’adolescents du quartier, considérés comme des « agents du changement social », et participant à la construction d’une société nouvelle.
Ce centre qui accueille environ 45 enfants et adolescents, est dédié à la promotion et à la protection des droits de l’enfant. Celui-ci leur offre un soutien scolaire après l’école, des activités culturelles et artistiques et surtout de réfléchir et de participer à des services communautaires ; visite aux personnes âgées vivant seules, plantation d’arbres et de fleurs ou bien même projections de films. L’un des projets de l’année prochaine est d’organiser un défilé de carnaval ; les jeunes ne manquent certainement pas d’idées !
Maximiliano C. Estigarribia, directeur de cette association, nous propose de nous emmener découvrir ce centre en voiture. Déçus de ne pouvoir nous y rendre à pied, il nous explique que ce centre se situe dans une zone où la violence est une triste réalité. Métiers précaires, détérioration des services publics (école, centre de santé, etc.), problèmes de drogue et faible niveau éducatif dans les écoles, autant de raisons qui ont motivé la communauté de ce quartier, l’association ETIS et l’Etat à créer ce centre.

Le quartier Almirante Brown de Buenos Aires où est installé le centre
Mais pourquoi créer un tel centre dans un quartier si précaire ?
L’objectif est d’inciter les enfants et les jeunes à participer à la vie de la communauté avec une dimension éducative, de leur faire prendre conscience de l’importance de leur voix et également d’influer une transformation sociale au sein de l’espace public.
Plus concrètement, l’activité principale de ETIS est le Groupe communautaire d’études, qui a pour objectif de lutter contre le décrochage scolaire des jeunes et des adolescents et de les encourager à poursuivre leurs études. Pour atteindre cet objectif, ETIS rassemble des groupes de 15 adolescents en moyenne issus de familles à faibles revenus. On m’explique que chaque groupe est accompagné par un tuteur, membre du quartier, qui s’engage à se réunir toutes les semaines avec les membres de son groupe, à participer à la formation des tuteurs ainsi que de participer avec les jeunes aux services communautaires. L’objectif de ces rencontres est d’échanger, de discuter des problèmes des jeunes rencontrés dans leur vie quotidienne au sein de leur famille et à l’école.
J’aperçois un cahier sur une des tables du centre. On m’explique que chacun des jeunes possède un cahier de liaison qui permet au tuteur d’en savoir plus sur le travail scolaire de l’enfant. Par exemple, si le tuteur remarque des heures d’absentéisme d’un jeune, il prend le temps avec lui d’en discuter et d’en comprendre les raisons. Je comprends que l’attention et le regard positif et bienveillant porté sur chacun des jeunes sont fondamentaux.
Ces réunions sont aussi l’occasion pour les jeunes de décider et de planifier la réalisation des 3 services communautaires par an dans leur quartier. Cela leur permet de renforcer leur “leadership”. Chez ETIS, on prône un leadership démocratique: avant qu’une décision soit prise, chaque membre du groupe est invité à s’exprimer. La mise en place d’un “livre de réunions” permet à chaque jeune d ’écrire son ressenti dans celui-ci à la fin de chaque réunion. Je trouve ça intéressant que ce livre puisse être une preuve de la croissance du groupe à la fin de l’année et de comprendre comment les difficultés ont été surmontées.
En plus de soutien scolaire et des services communautaires, les jeunes participent à trois sorties culturelles de leur choix durant l’année ; théâtre, musée, etc. La plupart d’entre eux ne sont jamais sorti du bidonville !
Aujourd’hui est un jour important pour le centre ; c’est le moment des réinscriptions pour l’année pour les jeunes et adolescents. C’est Marcela, habitante du quartier depuis 30 ans qui nous propose avec un grand sourire de faire un tour dans le quartier avec l’équipe du centre, composée principalement de trois salariés et de Marili, une bénévole.

Marcela, dont le sourire dit long sur son implication
Au travers des ruelles du quartier, nous l'accompagnons avec Maximiliano et le reste de l'équipe d’une marche tranquille prompt à la rencontre et à la discussion. Nous prenons le temps de saluer chacun par un petit geste de la tête. Ce sont les vacances scolaires en Argentine ; les jeunes jouent au foot ou pêchent sur le Tigre tandis que les jeunes mères bavardent sur le pas de leur porte.

Deux jeunes du centre en pleine concentration
Chez ETIS, ils ont recours principalement à des intervenants professionnels. Selon eux, les intervenants du secteur social méritent d’être rémunérés à leur juste valeur. Ils pensent aussi que les meilleurs acteurs sont ceux de la communauté. Un bel exemple de réussite est celui de Walter, un jeune du centre qui a reçu une bourse grâce à ETIS à l’âge de 12 ans pour pouvoir poursuivre ses études. Aujourd’hui, à 24 ans, il est coordinateur d’un centre dans sa communauté !
Le dynamisme des bénévoles est toujours le bienvenue au sein des centres. A la retraite depuis trois ans, Marili m'explique que les problèmes d’apprentissage sont ce qu’il y a de plus difficile dans l’accompagnement de ces jeunes et notamment celui de la dyslexie. Ce qui me touche dans cet échange, c’est la volonté des encadrants de s’adapter à chaque enfant, afin qu’il soit capable de donner le meilleur de lui-même !

Marili, l'unique bénévole du centre, accourt pour nous rejoindre
L’association ETIS a pour mission de développer et de mettre en place des programmes socio-éducatifs pour le changement social en Argentine. Mais plus concrètement, c’est quoi ce changement social ? Selon cette association, cela signifie promouvoir la construction d’une société plus équitable, solidaire et plus respectueuse des droits humains. Maximiliano nous explique qu’ETIS se veut être un laboratoire pour l’élaboration de politiques publiques.
Il nous raconte l’histoire d’un procès, gagné par les jeunes et les familles de la communauté envers la municipalité du quartier, qui n’ assurait pas la gestion de ce quartier pauvre de la ville (ramassage des déchets hebdomadaires, entretien des routes, investissements dans les infrastructures, etc).
Maximiliano nous donne sa notion d’inclusion : « C’est un lieu de participation et d’échanges pour les enfants et les jeunes, pour leur permettre de s’impliquer dans la vie de leur communauté ». Selon lui, il est important de faire prendre conscience aux enfants et aux jeunes de leurs droits liés à la protection de l’enfance et de la jeunesse afin qu’ils puissent s’impliquer dans la revendication de ceux-ci .
Article publié le 27 mars 2018
LES INFORMATIONS CLÉS
QUI
ETIS (Equipo de Trabajo e Investigación Social)
QUOI
Développer des programmes socio-éducatifs pour le changement social en Argentine :
- activités pour les jeunes: soutien scolaire, activités artistiques et culturelles et services communautaires
- capitalisation sur les politiques sociales et éducatives
- élaboration de matériel éducatif pour les enseignants dans des zones touchées par la pauvreté
OÙ
Sede Central: Formosa 2048 - Planta Alta
(B1643BVJ) Beccar, Provincia de Buenos Aires
ARGENTINA
DEPUIS QUAND
Ouverture du centre: 2013
ZONE D'ACTIVITÉ
13 quartiers de Buenos Aires et dans les régions de Mendoza, Córdoba, Chubut y Tucumán
CRITÈRES D'ENTRÉE
Ouvert aux jeunes et adolescents du quartier qui sont en situation de grande vulnérabilité; en dehors du système éducatif, avec une situation personnelle et familiale difficile.
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