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L'ATYPIK

Autiste? Et alors ? 

En ouvrant la porte de l’Atypik, je découvre un lieu où chacun peut venir tel qu’il est, avec son histoire, ses joies, ses peines, sa personnalité…

 

Venez découvrir un lieu qui ouvre grand ses portes à la différence. 

Il est 10h. Annie, l’une des gérantes des lieux, est en train poser des patins en feutre sous les chaises. Je comprends plusieurs heures après l’importance de ce geste : étant donné les problèmes sensoriels que les personnes autistes rencontrent, ces patins amènent un peu de confort à tous ceux qui sont sujets à l’hyperacousie…


Annie m’amène dans le bureau au fond du restaurant et me présente à son fils de 24 ans, Clément, qui est diagnostiqué autiste depuis l’âge de 4 ans.

 

Clément est vice-président de l’Atypik, un restaurant en plein coeur de Grenoble mais aussi un véritable lieu de vie, qui s’anime en fonction de ce que les gens proposent: cafés philo, ateliers de communication non violente, permanence pour parler de l’autisme; la liste est longue. Mais Clément décrit surtout ce lieu comme un lieu ouvert, où tout le monde peut venir avec sa différence. 

Habitués, membres du conseil d'administration, salariés, tout le monde est logé à la même enseigne

Il me raconte que ça lui arrive très régulièrement de filer un coup de main au service, mais ce qui le passionne lui, c’est l’histoire des banques et la diversité des statuts juridiques français. S'ensuit une longue discussion sur l’état actuel de la France, l’ouverture des services publics à la concurrence, le revenu de base, etc.

A la fin de notre échange, il me regarde avec grand sérieux et me dit : « Passe la journée avec nous, et si tu es intéressée, on pourra éventuellement penser à un service civique ».

Je me sens flattée. 

Clément et Andréas, tous 2 membres du CA

« On a créé le restaurant parce qu’il n’existe rien pour accueillir les adolescents et les jeunes adultes autistes. Leurs parents se retrouvent coincés car il n’y a pas de place pour eux en dehors des instituts de santé. Il n’y a pas d’inclusion qui les valorise dans leur différence. Ici, ils ont une place: ils prennent part au service de manière bénévole, ils prennent les décisions d’embauche, ils animent les permanences pour parler de l’autisme, et on les accompagne dans leurs envies; ça leur donne des repères pour se construire ! » 


Arrivent les premiers clients et me voilà embauchée comme serveuse. Bricks marocaines, potimarrons farcis; que des produits de qualité et des plats faits maison. Bref, tout est fait pour me faire saliver. 

Samia et Charline, les cuisinères de choc

Pendant le service, Annie aime qualifier son rôle de traductrice. En effet, outre les problèmes sensoriels, l’autisme est ce qu’on appelle un handicap social : c’est parfois compliqué pour eux de savoir à quoi correspondent les émotions et de restituer les choses de manière socialement acceptées. 


Je profite d’un moment d'accalmie pour discuter avec Colette, la présidente de l’association qui m’explicite l’ampleur des difficultés qu’elle peut rencontrer :

« Dès que je tente un truc, ça capote, parce que je ne comprends pas le formulaire, parce que j'ai pas compris la mimique du visage de la personne en face, parce que j’ai mal interprété. C'est la problématique du handicap invisible. »


Je me laisse toucher par son histoire, racontée avec la plus grande authenticité.

Après avoir été déscolarisée pendant plus de 5 ans en hôpital psychiatrique, et avoir complétement perdue confiance dans les institutions, Collette a réuni ses dernières forces et a décidé de changer de ville.

 

En arrivant à Grenoble, elle découvre l’Atypik : « C'est la première fois de ma vie que j'arrive à avoir des relations sociales voire même amicales saines avec des gens de mon âge. Savoir qu'il y a d'autres autistes, des petits, des grands, des moyens, le tout avec un tout petit peu de respect, de bienveillance : ça, c’est déjà un bon repère pour se construire. » 

Un des messages écrit sur la façade du restaurant

Elle poursuit: « Pour beaucoup, un autiste, quand il est diagnostiqué, il ne peut pas suivre des études, il ne peut pas faire de métier, moi, on me l’a dit plein de fois à moi et à mes parents. A des gamins de 5 ans qui viennent d'être diagnostiqué, on leur dit ça. Mais même un autiste lourd, avec un bon suivi, il peut arriver à un semblant d'autonomie ! »


Annie me fait réaliser le retard de la France en la matière : « On perd tellement de potentiels en mettant ces gens là de côté. Les américains, eux, ont des classes spécifiques avec un accompagnement adapté, parce qu’ils connaissent leur potentiel. Bill Gates n'aurait jamais été Bill Gates s'il était né en France. »


Elle m’explique que les personnes autistes ont une obsession du détail et une capacité de concentration vraiment hors du commun. Ils se sont également rendus compte que même ceux qui ne parlent pas ont des capacités artistiques et de calcul vraiment non négligeables. 

« On a plein de personnes incroyables ici: Frank est champion de course à pied ; Benjamin connaît tous les textes de La Fontaine par coeur ; Lazare écrit des textes de rap absolument sublimes. »

Frank affichant fièrement sa médaille de course à pied

« Pendant le mouvement autour du mariage pour tous, Jérôme, lui, a ouvert son code civil et a recensé toutes les manières légales d’être en couple. Il y a passé une semaine, jour et nuit ! » me raconte Colette. « Ça nous a donné une idée : on voudrait constituer un groupe d'autistes et proposer à l'assemblée de trier toutes les vieilles lois. Tu te rends compte qu’ils ont abrogé il y a peu une loi comme quoi les femmes n'étaient autorisées à porter un pantalon que si elle tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d'un cheval ? ».


« Il y a que les personnes autistes pour avoir envie de se farcir ce genre de choses, plus c’est écrit petit, plus ils aiment ça ! » dit Annie en riant. 

Je me sens bousculée par cette journée à l’Atypik. Moi, la "neuro-typique" (nom affectueux donné aux personnes non-autistes), je suis allée à la rencontre d’un monde que je ne connais pas, un monde caché, mais qui vaut toutes les peines du monde à être découvert. 


En sortant du restaurant, c’est cette phrase d’Annie qui restera avec moi : « J’ai eu de la chance d’avoir un enfant autiste. Si rien ne m’avait touché, j’aurais eu une vie très fermée. Depuis que l’autisme est rentré dans ma vie, je me suis ouverte sur le monde, et sur la richesse des autres. »

Article publié le 6 avril 2018 

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LES INFORMATIONS CLÉS

Les infos clés

QUI

L'Atypik 

QUOI

Restaurant associatif dont le conseil d'administration est mixte (personnes autistes et non autistes )

Véritable lieu d'accueil ouvert sur la différence et dont le rythme s'ajuste en fonction des activités proposés par les bénévoles

10 Place Edmond Arnaud, 38000 Grenoble

 

COMMENT AIDER

En allant manger au restaurant

En proposant des activités pour dynamiser ce lieu de vie

En étant bénévole au service

CONTACT

09 67 33 12 94

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